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Culture , Histoire et réglementation Les Gens du Voyage

Culture et Histoire

L’histoire des Gens du voyage est intimement liée à celle des peuples européens. Perçus souvent comme des étrangers, ils sont pourtant pour la grande majorité d’entre eux implantés de longue date en France et citoyens français.
Les Gens du voyage ou Tsiganes ne constituent pas un groupe homogène. S’ils viennent pour l’essentiel de nord-ouest de l’Inde, région qu’ils ont quittée vers le Xème siècle, ils se sont imprégnés des cultures des différentes sociétés rencontrées au cours de leurs parcours géographiques. La migration vers l’empire byzantin les a amenés au Moyen Age en Grèce, dans la Turquie actuelle, et dans une partie des Balkans. A partir du XIVème siècle, les Tsiganes sillonnent la Roumanie, la Croatie, la Serbie. Vers 1420, les premières « compagnies bohémiennes » pénètrent en Europe occidentale, et notamment en France. Un siècle plus tard, il y a des Tsiganes partout en Europe. Rien ne prédisposera cette population à la marginalisation. Les Tsiganes sont artisans, artistes et commerçants. Mais leur liberté de mouvement va être limitée dans certains pays : politique d’assimilation appliquée en Espagne sous le règne d’Isabelle la Catholique dès 1499, sédentarisation forcée dans l’Empire austro-hongrois décrétée par Marie-Thérèse d’Autriche à la veille de la Révolution française.

En juillet 1912, une loi d’organisation du commerce itinérant entraine la classification des commerçants itinérants en trois catégories : les forains, les marchands ambulants et les nomades.
Ces personnes sont soumises à la possession d’un carnet anthropométrique. La démultiplication des fichiers et la modernisation va accompagner la politique tsigane qui commence par cet encartement.
En mars 1933, l’arrivée d’Hitler au pouvoir engendre la mise en place de camps d’internement pour les tsiganes allemands, repérés grâce aux fichiers de police.
En France, en avril 1940, la décision est prise d’assigner à résidence les nomades. Les préfectures transfèrent dans des camps improvisés les nomades en famille dans des conditions sanitaires extrêmement difficiles.

A la Libération en 1945, les nomades sont maintenus dans les camps. Ils ne sont libérés qu’en mai 1946. Les familles restent dans le régime des nomades, dans une citoyenneté de second ordre, malgré leur nationalité française.
Le régime des nomades n’a jamais été aboli mais s’est adouci en 1969 avec la transformation des carnets anthropométriques en carnets de circulation.

D’autres populations tsiganes sont arrivées en France : en provenance de Bosnie et de l’empire ottoman en 1914, en provenance de l’ex-Yougoslavie à partir de 1960. Plus récemment, à partir 1990 avec les changements politiques des pays de l’Est, puis en 2007 avec l’entrée de la Bulgarie et de la Roumanie dans l’Europe, on a observé de nouvelles vagues de migration venant de ces pays.
Au fil des migrations, les groupes se sont peu à peu distingués : les Roms en Europe centrale et orientale, les Manouches et les Yéniches en Europe occidentale, les Gitans dans la péninsule ibérique. En France, plusieurs groupes sont présents de longue date : les Manouches, les Gitans, les Yéniches et les Roms.

Actuellement, il serait de 350 000 à 500 000 en France, la grande majorité d’entre eux de nationalité française. Il s’agit d’une population difficile à dénombrer, car les Gens du voyage ne sont pas tous prêts à se reconnaître comme tels, et des personnes qui ne vivent pas en habitat mobile ne sont pas recensées comme des Gens du voyage alors qu’elles se considèrent comme membre de cette communauté.

Les Manouches et les Yéniches
Les Manouches ont longtemps séjourné en Allemagne. En France, ils sont restés implantés en Alsace et Lorraine, et en Savoie et Haute-Savoie. A partir de ces régions, et imprégnés de leur culture, les Manouches vont s’étendre un peu partout sur le territoire, voire bien au-delà : Espagne, Argentine, Hollande, Italie. On peut y adjoindre un groupe que l’on appelle Yéniches. Il s’agit des paysans venant de l’Alsace-Lorraine, de Suisse et d’Allemagne, qui ont adopté le voyage pour échapper à la paupérisation au XIXème siècle. Par le jeu d’alliances avec des Manouches, la population s’est métissée et a adopté un mode de vie proche des autres Manouches.

Les Gitans
Ils ont longtemps séjourné en Espagne. Lors de l’assimilation forcée sous Isabelle la Catholique, des groupes se sont installés dans la région de Perpignan. De là ils ont ensuite suivi des itinéraires dans toute la France, vers Avignon, Toulouse, la Normandie, Lille. Ils sont fortement imprégnés de culture hispanique.

Les Roms
Les premiers Roms à s’installer en France venaient de Transylvanie en 1868. Ils sont rejoint ceux des provinces danubiennes qui avaient été réduits en esclavage au XIVème et qui furent libérés en 1856. Ils vivaient comme auxiliaires dans le sillage de l’armée austro-hongrois et s’occupaient des soins des chevaux, et d’activités de ferronnerie touchant à la fabrication des armes. L’armée autrichienne étant battue par les Prussiens en Tchéquie, les Roms se trouvent libérés de leur rapport contractuel et pénètrent en Allemagne, en Belgique et en France. Beaucoup plus récemment, vers la fin des années 80, des Roms demandeurs d’asile, polonais, bulgares et surtout roumains sont arrivés en France. Sous les régimes communistes, ils avaient subi une sédentarisation forcée, avec en contrepartie une meilleure scolarisation et l’accès à des emplois souvent subalternes et dans des conditions insalubres. Après la chute des régimes communistes, les Tsiganes ont été rapidement et massivement évincés sur le plan économique et souvent victimes d’attaques xénophobes ou de rejets ultranationalistes. Ils se sont tournés vers les pays d’Europe de l’Ouest pour fuir la grande misère dans laquelle ils se trouvaient. Cette migration économique s’est trouvée facilitée par l’adhésion, en 2007, de la Roumanie et de la Bulgarie à l’Union Européenne. En effet, ces Roms roumains et bulgares sont en principe libres de circuler dans les pays membres. Leur présence reste cependant très encadrée par des dispositions spécifiques qui limitent leur droit de circulation et de séjour. Quand ils ne peuvent pas produire les justificatifs demandés, les Roms roumains et bulgares sont considérés en situation irrégulière, donc expulsables.

Eviter l’amalgame entre Gens du voyage et demandeurs d’asile venus de l’Est
Les Tsiganes font souvent l’objet de généralisations et de confusions : on assimile une communauté à une autre, un groupe familial à un autre, une situation particulière à l’ensemble de la communauté. On considère que les Tsiganes forment un ensemble homogène, ce qui est faux. C’est particulièrement le cas pour ce qui concerne les Roms. La focalisation, justifiée, sur la situation d’extrême pauvreté des familles Roms venues de l’Est ne doit pas faire oublier qu’il s’agit d’une question très différente de celle des Gens du voyage français (dont d’autres Roms), installés depuis longtemps sur notre territoire. En effet, les aspirations de deux populations sont parfois différentes. Les Roms étrangers, qui vivaient de manière sédentaire dans leur pays, veulent régulariser leur situation pour pouvoir travailler et améliorer leurs conditions de vie. Les Gens du voyage souhaitent quant à eux disposer de terrains pour s’arrêter temporairement et/ ou y séjourner de façon pérenne.

La caravane, moyen de déplacement mais aussi lieu de vie
Le voyage est un élément constitutif de la société tsigane. Mais leur mode de vie des Tsiganes reste fondé sur l’alternance entre nomadisme et sédentarisation. Au cours de leurs parcours dans les différents pays, les Tsiganes ont pu connaître des périodes de longue sédentarisation. Actuellement, ils peuvent vivre de manière sédentarisée, voyager une partie de l’année, ou parcourir des grandes distances sur tout le territoire français et même au-delà des frontières. Cependant, ces situations ne sont pas figées. Même les grands voyageurs qui circulent plus de dix mois par an, conservent un point d’ancrage territorial.
L’opposition simpliste entre sédentarité et itinérance ne rend pas compte des pratiques différenciées qui se cachent derrière l’usage de la caravane. Si l’on n’introduit pas de nuance dans cette opposition, de multiples incompréhensions et de mauvaises appréhensions du phénomène surviennent, qui peuvent brouiller les stratégies d’action mises en œuvre pour aider ces populations. Dans une société où l’ancrage territorial, la sédentarité et la propriété foncière dominent la pratique de l’itinérance est difficile à appréhender autrement qu’en termes d’errance et de voyage permanent. L’habitat caravane induit logiquement, mais à tort, la perception d’une mobilité permanente, qui fait que, la plupart du temps la caravane est assimilée à une absence d’ancrage territorial. Le fait que la caravane ne soit pas reconnue comme logement entretient cette confusion. Mais, chez les Gens du voyage, la caravane constitue à la fois un moyen de déplacement et un lieu de vie.
Nomadisme et mode de production économique sont intimement liés. L’économie est basée sur l’échange de biens, le négoce. Les Tsiganes achètent à un endroit pour revendre à un autre. Travailleurs indépendants dans l’âme, ils présentent une forte capacité à s’adapter aux besoins des populations qu’ils rencontrent. Ils exercent des activités diverses : vannerie, récupération des métaux, brocante, activités agricoles saisonnières, vente sur les marchés, revente de voiture ou de tapis, jardinier, ouvrier du bâtiment, musicien… Les Gens du voyage exercent plusieurs activités et sont inscrits dans les chambres des métiers au titre des activités de service aux particuliers et au titre des activités commerciales et artisanales.

L’expression « Gens du Voyage » a été introduite par deux décrets français des années 1972, qui se référaient à la loi de 1969 sur l’exercice des activités économiques ambulantes. Mais la spécificité des Gens du voyage va au-delà des seuls aspects économiques. Les Gens du voyage constituent une population à part entière. Leur spécificité se retrouve tant dans le fait qu’il s’agit d’une population mobile, que dans le fort poids culturel qui caractérise ce public. Dans son rapport de juin 1990, le préfet Delamon définit ainsi les Gens du voyage : « les voyageurs qui vivent et se déplacent en habitat mobile ou susceptibles de l’être, pendant tout ou une partie de l’année, c’est-à-dire les nomades et sédentaires qui se réclament du voyage ».
Le terme « Tsiganes » renvoie davantage à une approche sociologique et anthropologique. Il désigne l’ensemble des groupes venus de l’Inde et qui partagent une histoire et un socle culturel commun.